Yan Hascoet, cofondateur et Pdg. de chauffeur-Privé, secrétaire général de la fédération française du transport de personnes sur réservation (FFTPR)

« Une obligation sortie de nulle part »

1.         Comment qualifier cette problématique concurrentielle ?

Il s’agit simplement d’une distorsion de concurrence totalement injustifiée. Suite à leur manifestation de janvier 2013, les taxis ont obtenu qu’on ne touche pas au transport de malades conventionné, qui est soumis à concurrence dans les autres pays européens. Puis durant six mois ils ont mené des discussions avec nous, la fédération française de transport de personnes sur réservation (FFTPR), à propos de la professionnalisation de l’activité de VTC. Certaines revendications étaient légitimes, et nous étions heureux de contribuer à l’évolution du cadre réglementaire : mise en place de formations obligatoires, augmentation de la signalétique sur les VTC, clarification des politiques tarifaires, renforcement des contrôles et des sanctions contre les VTC exerçant la maraude… Mais cette obligation de délai en juin est sortie de nulle part. Encore plus absurde a été le revirement du gouvernement, qui nous assurait début octobre que le décret n’allait pas s’appliquer aux clients abonnés. Dans le communiqué de presse du lendemain, l’exception ne concernait que les prestations de transport de VTC réservées par des exploitants d’hôtels 4 et 5 étoiles au départ de leur établissement ou par les organisateurs de salons professionnels. La suspension du décret le 5 février est une première bataille gagnée.

2.         Quels sont les impacts en termes de développement d’entreprise et d’emplois ?

En juin 2013, 5 284 entreprises de VTC étaient déjà immatriculées, parmi lesquelles Uber, Le Cab, Les Voitures Jaunes ou encore Chauffeur-Privé… représentant un parc de 9 800 véhicules et employant 11 000 chauffeurs. A titre de comparaison, 17 000 licences de taxis ont été délivrées par la préfecture de police. La marge de développement est donc conséquente, et les études évoquent même la création potentielle de 20 000 postes VTC pour Paris seulement. Mais cette décision de délai aurait obscurci l’horizon du secteur. Le 19 décembre, Voitures Jaunes a d’ailleurs annoncé être en cessation de paiement suite à la défection de l’un de ses investisseurs. Les conséquences que cette disposition ubuesque aurait eu peuvent être esquissées. Le temps d’approche est de sept minutes. Le VTC doit donc attendre sur place huit minutes de plus (soit 300 heures de travail par an). La course durant en moyenne 32 minutes, le temps total est allongé de 20%. Ce « cadeau » du gouvernement aurait représenté 20% de course en moins pour le chauffeur, une disponibilité réduite et bien sûr un prix plus élevé. Les contrats perdus avec les entreprises sont plus durs à estimer, mais l’impact aurait été réel. Le grand perdant resterait le consommateur, face à une industrie des taxis qui fait peu pour se renouveler, mais beaucoup pour protéger ses avantages acquis.

3.         Quels pouvoirs publics avez-vous sollicité et quels ont été les délais de réaction ?

Le décret date d’octobre, et a été appliqué entre le 1er janvier et le 5 février 2014. Le fait de nous être regroupés en fédération et d’être passés par les cases ministère de l’artisanat, du commerce et du tourisme, puis de l’Intérieur, Matignon et enfin l’Elysée, a montré notre détermination ainsi que le caractère urgent des modifications à apporter à cette situation. Il est impossible d’accéder aux plus hautes sphères sans passer par les ministères compétents au préalable. Nous avons été consulté par l’Autorité de la Concurrence lors de l’élaboration de son avis. Enfin nous avons porté l’affaire en référé devant le Conseil d’Etat.

4.         Considérez-vous le problème comme résolu, ou en voie de résolution ?

Nous avons bon espoir, mais les taxis ont un fort pouvoir de lobbying, notamment via la famille Rousselet, propriétaire des Taxis G7 et Taxis bleus. De plus le gouvernement craint par-dessus tout l’image écornée d’un pays bloqué par les syndicats. Le résultat de la procédure en référé a été rapide. Mais le résultat de la procédure d’appel sera jugé dans neuf mois, sur le fond. Il est encore trop tôt pour tirer les conclusions de cette affaire. Pour l’heure la médiatisation augmente étonnement la fréquentation. L’horizon pourrait se dégager, si cette sombre histoire ne venait à terme plomber notre activité.

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