Interview de Bernard Scoffié, directeur associé de l’Agence Telecom
« Les pratiques d’OBS à notre égard relèvent a priori de la concurrence déloyale »
1. Comment qualifier cette problématique concurrentielle ?
Les pratiques d’OBS à notre égard relèvent a priori de la concurrence déloyale. En souhaitant nous affaiblir en tant que partenaire, c’est finalement le concurrent d’OBS que nous sommes, qui était ciblé.
Face à la crise et à l’arrivée de Free Mobile, OBS a changé sa stratégie pour obtenir des marges plus élevées. Avant 2006, OBS avait recours de manière peu structurée à des consultants ou des SSII qui jouaient le rôle d’apporteurs d’affaires, mais dont ce n’était pas le cœur de métier. OBS veut revenir à cette situation, cherchant avant tout des partenariats avec des vendeurs de cloud ou des SSII. Je parlerais donc d’un certain manque de clairvoyance, car malgré les talents qu’il compte dans ses rangs, le Groupe ne voit pas qu’il est dans son intérêt que ses partenaires stratégiques puissent vivre. J’évoquerais aussi une certaine dose de cynisme dans la restructuration de crise. Le Groupe se recentre sur la vente directe aux PME, sans s’attarder sur la situation de ceux qui l’ont aidé à forger son succès par le passé. Mes emails et prises de rendez-vous n’ont rien changé. Les délais de paiement sont très longs. Le plus gros de nos placements est rémunéré à six mois, et certains atteignent même un an. L’une des raisons invoquées est que le recours à des sous-traitants pour ouvrir les lignes prend du temps… La vente directe pratiquée par OBS nous a taillé des croupières, annulant certaines de nos ventes et rappelant le client derrière. Les pourcentages de commissions ont été unilatéralement revus à la baisse.
- Quels sont les impacts en termes de développement d’entreprise et d’emplois ?
Nous n’avons jamais dépassé l’équilibre depuis 2006. OBS a changé les termes du contrat lorsque nous allions enfin devenir bénéficiaires. Le cumul des pertes depuis le début est important. Je ne voulais surtout pas licencier des gens, car ce sont eux qui font la richesse de la société. A titre expérimental, nous avons ouvert une commercialisation SFR. C’était un casus belli pour les équipes d’Orange qui nous ont fait savoir qu’elles voulaient jouir d’une exclusivité. SFR s’est montré beaucoup plus coopératif, et en fin 2013, nous avons cessé de mettre en avant le contrat Orange. En 2012, j’ai perdu 350.000 euros. En 2013 nous avons encore perdu car la bascule a été douloureuse. Mais elle nous a permis de survivre.
- Quels pouvoirs publics avez-vous sollicité et quels ont été les délais de réaction ?
Le recours au Médiateur de la République n’a servi à rien, car la procédure a été close à la demande d’OBS. L’appel à la DGCCRF est en cours. En effet, OBS nous a fait subir des délais de paiement trop longs, qui ne correspondent pas à ce qui a été fixé par la LME. OBS éditait la facture et payait un mois après. Mais celle-ci était éditée six mois après la réalisation de la prestation de service, à savoir la signature du contrat. La DGCCRF de Marseille a repéré des motifs d’illégalité, mais a laissé la Direction de Paris décider des suites à donner. Nous n’avons plus de nouvelles depuis… La troisième action est en cours, c’est une procédure devant la justice pour demander réparation. Nous avons envoyé un mémo de 10 pages à OBS auparavant. Les délais sont évidemment longs, et c’est bien la bascule vers SFR qui nous a permis de tenir. Notre situation est déjà à l’équilibre au premier semestre 2014.
- Considérez-vous le problème comme résolu ou en voie de résolution ?
La marque Orange est très forte, la R&D du Groupe est performante. Mais aujourd’hui, celui-ci-recrute comme partenaires des call centers offshore ou des SSII, mais pas de « pure player des telecoms ». Nous n’étions plus dans la cible. Il est devenu très difficile de travailler avec eux. Nombreux ont été les clients mécontents à appeler parce qu’au bout de six mois ils n’étaient pas encore connectés. Notre réputation en a souffert. Nous avons même créé, à la demande d’OBS, une cellule de cinq personnes pour répondre à ces plaintes. Dans ces conditions, ce qui était une réussite commerciale est devenu un fiasco économique. Notre seule issue a été de repartir à zéro avec un nouveau partenaire, SFR. La collaboration se passe bien. Il faut dire que la vente indirecte est dans l’ADN de SFR Business Team, alors qu’elle pèse très peu dans le chiffre et la stratégie d’OBS..