Interview d’Alexandre Rebibo, co-dirigeant de Success Permis, loueur de véhicules à double commande
« Nous avons rogné les marges des auto-écoles »
1. Comment qualifier cette problématique concurrentielle ?
Nous sommes tout simplement victimes d’un lobbying puissant des auto-écoles pour préserver leur monopole. Les syndicats comme l’UNIC, ETF, SNECER et les autres ont un grand pouvoir et en usent, comme les taxis contre les VTC. Nous travaillons pourtant avec les auto-écoles, puisqu’elles font appel à nous lorsqu’elles ont des problèmes de véhicules. Nous sommes par ailleurs une offre complémentaire à celle des auto-écoles, car nous exigeons que les apprentis aient un minimum de 20 heures de conduite avec un moniteur. En revanche, il faut en moyenne 45 heures de conduite de formation avant d’obtenir le permis, alors que seules les 20 premières heures sont obligatoirement encadrées par un moniteur. C’est ce surplus horaire qui peut être réalisé à meilleur tarif avec un parent ou un ami. c’est sur ce segment de marché que nous nous sommes positionnés.
2. Quels sont les impacts en termes de développement d’entreprise et d’emplois ?
La filière de la location de véhicules à double commande en France représentait 200 sociétés, comptant 1 500 équivalents temps plein. Un premier arrêté en 2010 visait à imposer une formation longue et coûteuse aux accompagnateurs des apprentis, décision réglementaire qui a entraîné la liquidation des trois quarts d’entre elles, dont une part importante était présente dans les banlieues et les zones à faible pouvoir d’achat.
3. Quels pouvoirs publics avez-vous sollicités et quels ont été les délais de réaction ?
Cet arrêté n’était pas justifié. La moitié des membres du conseil national de l’éducation routière sont syndiqués dans les auto-écoles, ce qui est un cas manifeste de conflit d’intérêt. Nous savons que nous répondons à un vrai besoin, le coût du permis s’élevant en moyenne à 1 500 euros, soit un des plus chers au monde. Et nous créons de l’emploi. Nous sommes donc allés sans hésitation devant le Conseil d’Etat, qui nous a donné raison pour suspendre cet arrêté de 2010. Une nouvelle décision réglementaire est intervenue le 16 juillet 2013, afin de revenir sur l’obligation de formation de l’accompagnateur. Nous avons récidivé devant le Juge des Référés, mais nous n’avons obtenu qu’une suspension partielle. Notre rencontre avec la direction de la sécurité et de la circulation routière (DSCR) qui a le pouvoir de trancher, n’a rien donné. Nous essayons maintenant de rencontrer le Premier Ministre. Grâce aux années d’ancienneté et à l’accumulation de trésorerie de Success Permis, nous avons pu survivre, mais les jeunes entrepreneurs qui ont acheté un ou plusieurs véhicules ont dû mettre la clé sous la porte.
4. Considérez-vous le problème comme résolu, ou en voie de résolution ?
Certainement pas. Les auto-écoles proposent généralement un package de 20 heures de conduite, le passage du code et l’examen pratique avec un prix bas, puis font leur marge grâce aux heures supplémentaires. Une fois que le dossier est dans l’auto-école, le candidat aura du mal à en partir car les places d’examens sont rares. Le moniteur en profite et ajoute des heures. Avec nos offres moins chères nous avons donc rogné ces marges. De même les conducteurs confirmés qui ont perdu leur permis pouvaient passer par nous et se présenter en candidats libres. L’autre argument encore utilisé est de dire que nous sommes un outil pour leurs moniteurs souhaitant travailler sans être déclaré le week-end. Mais une utilisation frauduleuse de notre matériel par certains ne doit pas nous faire disparaître. Les signes d’amélioration ne sont donc pas encore en vue, mais je reste optimiste. Notre taux d’accidentologie est plus bas que celui des loueurs de véhicules en général, car ceux qui conduisent nos voitures ont déjà 20 heures de conduite accompagnée ou supervisée au compteur. Ce qui vient réfuter l’argument principal de la sécurité, évoqué par les arrêtés et justifié à aucun moment par le Gouvernement..